TOLSTOI (Léon)

Tserkov' i gossoudarstvo [L'Église et l'État, en russe]. Sans lieu ni date [Saint-Pétersbourg, vers 1886-1887]. Brochure petit in-4 de 12 pp. lithographiées. Édition sans doute originale, lithographiée à petit nombre par des étudiants de l'université de Saint-Pétersbourg. Le brûlot rédigé en novembre-décembre 1879, peu après Anna Karenine, ne pouvait être édité en Russie. La violente critique de l'État et l'agnosticisme de l'auteur, traversant la plus grande crise de sa vie, classaient L'Église et l'État parmi les oeuvres anti-gouvernementales et dangereuses. Il en est déjà à dénoncer la trop grande proximité entre les deux institutions. Penseur influent de l'anarchisme chrétien, son nihilisme est fondé sur une morale personnelle. Il sera excommunié par l'Église orthodoxe en 1901. Si Alexandre III interdit toutes poursuites contre Tolstoï, disciples et lecteurs furent arrêtés et parfois déportés. Une diffusion clandestine: un samizdat avant l'heure. La première traduction française de l'Église et l'État a paru en 1905 dans un numéro spécial des Cahiers de la Quinzaine, avec une préface de Paul Birioukov (1860-1932). Ce dernier, ami et historiographe de Tolstoï, y a rapporté les circonstances précises de la diffusion du texte. "Au cours d'une de mes visites à L. N. Tolstoï, à Iasnaia Poliana, en 1885 ou 1886, je remarquai dans son cabinet, sur le rayon d'une bibliothèque ouverte, une liasse de papiers jetés négligemment. J'avais déjà le respect de chaque ligne de Tolstoï, et j'exprimai le désir de compulser cette liasse, pensant y trouver quelque page précieuse que je demanderais à l'auteur, en souvenir. Parmi les papiers sans importance, j'avisai un petit cahier sur lequel était inscrit: L'Église et l'État. L'ayant parcouru, je demandai à en prendre une copie. Tolstoï acquiesça ajoutant que ce manuscrit n'était pas destiné à la publicité, que c'était un fragment de son grand ouvrage La Critique de la Théologie dogmatique, qu'il avait retranché en en faisant la révis