JOUVE (Pierre Jean)

Au grand nombre. Sans lieu, septembre 1916. Manuscrit autographe signé: 3 pp. in-4 montées sur onglets, chemise en demi-maroquin rouge. Manuscrit autographe, complet, d'une écriture soignée. Remarquable poème pacifiste, renié ultérieurement par son auteur. Refugié en Suisse durant la Première Guerre mondiale pour raisons de santé, Pierre Jean Jouve devint un militant pacifiste fervent, après sa rencontre avec Romain Rolland. Au grand nombre, poème de 45 vers, parut en 1916 dans la Revue mensuelle de Genève: il fait partie des oeuvres reniées en 1928 par l'auteur, qui avait pris ses distances avec Romain Rolland quelques années plus tôt. "Dès le début, la poésie de Jouve a été dominée par le pressentiment de la catastrophe: nostalgie du « paradis perdu », elle est plus encore prophétie d'un incommensurable malheur. Elle était depuis toujours préparée à saisir dans l'histoire l'incarnation du combat éternel" (Gaëtan Picon). À toi qui viens vers le blessé, Qui poses le canon du revolver entre ses yeux, Et tires; À toi qui fusilles ton ami Sans vouloir le reconnaître; À toi qui fais sauter la tête au soldat de garde endormi; À toi qui lances dans l'air la bombe anonyme À toi qui nettoies la tranchée, O ivre, Tournant et retournant le couteau Afin que ce soit bien lavé de sang vivant, Afin qu' il n'y ait plus une seule prière vivante; (...) À toi, prostitué, riche et maître banquier, Pour qui précisément sont tuées cette nuit cent mille jeunes vies; À toi, gouvernant hilare, aux mains pleines D'ambitions, de lâchetés et d'argent sale, O bête couverte d' honneurs! Te voilà dans le crime jusqu'aux yeux. (...) J'attire sur vous tous une lumière inhabituelle. J'ai de vous tristesse et humanité - quand bien même vous me haïriez, - Et vous me haïssez, je le sais, Je marcherai demain en tête des victimes. On joint: 2 lettres autographes signées de l'auteur à Charles Bernard du 31 octobre 1916 et du 27 avril 1917. La première évoque des textes de Renan à publier et un entretien