SARTRE (Jean-Paul)

La Responsabilité de l'écrivain. Sans lieu ni date [1946]. Manuscrit autographe: 8 pp. in-4. Manuscrit de premier jet d'une importante conférence de Jean-Paul Sartre dans laquelle il expose sa conception politique de la littérature. Prononcée à la Sorbonne en 1946, la conférence est contemporaine de la rédaction de Qu'est-ce que la littérature? dont elle annonce les thèses principales. À partir de la célèbre phrase de Dostoïevski: "L'homme est responsable de tout devant tous", Sartre développe sa conception de la responsabilité politique de l'écrivain, engagé par sa parole et dont les mots sont des actes destinés à transformer le monde. Manifeste pour l'engagement des intellectuels - Actes et Paroles, Paroles donc Actes -, il prend le contre-pied de la théorie de l'art pour l'art. On peut reprocher à un poète de nier ses responsabilités d' homme. On peut lui reprocher de n' être que poète. Mais on ne peut lui reprocher de ne pas s'engager en tant que poète dans une lutte sociale, dans une construction. (...) Il n'est pas vrai que l' écrivain soit un homme qui ait choisi simplement de parler innocemment sur le monde. C'est un homme qui a choisi de changer le monde en le nommant. Et l'on pourrait lui appliquer la celebre formule de St Just: « Nul ne gouverne innocemment ». « Nul n' écrit innocemment ». Car il doit repondre à la question Que veux tu changer? Pourquoi ceci plutôt que cela? Il est responsable de ses silences autant que de ses paroles. (...) La littérature est une affirmation perpétuelle de la liberté humaine. Elle dit qu' il faut la réaliser. Elle est non seulement morale mais politique. (...) Comparons maintenant l' écrivain au politique. Le politique peut se donner pour but la liberté mais il faut qu' il agisse par violence. Le littérateur fait un appel. Et comme la liberté est action et non contemplation, il en appelle à la liberté pour qu'elle change le monde dans le sens de la liberté. La littérature a pour fonction de perpétuer la liberté comme app