GIONO, Jean.

Lot 1468
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Estimation :
800 - 1200 EUR
GIONO, Jean.
Lettre adressée à Louis Brun. [Manosque], 29 avril [1931]. Lettre autographe signée “Jean Giono”, 4 pages in-4, enveloppe. Remarquable et longue lettre adressée à Louis Brun, directeur littéraire des éditions Grasset : ayant donné un livre aux éditions Gallimard, Jean Giono explique sa position. Jean Giono rapporte de son voyage à Londres où il “s'est rendu pour un scénario de cinéma sur la transhumance des moutons.” Il remercie également son correspondant du prix Northcliffe pour son roman (cette distinction l'empêchera de recevoir le prix Goncourt). Puis il est question de son livre à venir, le Grand Troupeau qu'il a confié aux éditions Gallimard. Oui, j'ai promis le Grand Troupeau à Gallimard. Tout de suite je dis, et je vous affirme qu'il n'a jamais été question pour moi de quitter la maison Grasset, mais seulement d'établir un partage, et grâce à ce partage vivre avec ma famille sans avoir le souci des fins de mois qui durent trois semaines. J'ai signé, mon vieux Brun. J'ai signé, et quand j'ai signé je l'ai fait avec la certitude que j'avais en vous un ami, que vous comprendriez les difficultés d'argent qu'on a même à Manosque quand on ne vit que de sa plume et qu'on a à sa charge entière six personnes. Il évoque l'achat de sa maison, les mensualités du remboursement et réaffirme son amitié pour Louis Brun. Je n'écris pas au directeur de la maison Grasset, mais à l'ami ; c'est seulement pour vous que j'ai renouvelé le contrat chez vous. A ce moment -là, j'avais des offres magnifiques à la fois e Gallimard et de Rieder. [...] Je vous ai dit - bien timidement, j'en conviens - “laissez-moi a liberté de donner un livre ailleurs chaque année”. Vous m'avez dit oui. Je sais, Brun, j'aurais dû insister et tout vous dire et tout vous expliquer et ne rien laisser dans l'ombre. Les choses ont marché sans mon gré total, poussé par les événements et la fatalité. Voudrez-vous, vous, de votre plein gré me casser les reins ? Car, je sais bien, car je ne me fais pas illusions, si vous voulez me casser les reins, je ne résisterai pas, c'est inutile, j'ai déjà les reins cassés. Vous êtes le plus fort, vous êtes le plus fort en tout. Moi je n'ai pour vivre, pour faire vivre ma petite fille et les autres que ces 1500 fr. venant de vous et les 2500 de Gallimard vont à ce fond [sic] qui doit payer la maison. [...] Si vous vous fâchez contre moi, et si tout cela se heurte autour du Grand Troupeau, ça n'est pas seulement une lutte judiciaire mais c'est ma fin, sans alternative. Privé de vos mensualités et de celles de Gallimard, il faut que je cherche de nouveau une place d'employé de banque, tout de suite, tout de suite et même, Brun, je vous en supplie, si vous devez m'écraser, pensez à tous les miens et écrasez-moi si ça doit vous donner une satisfaction d'amour propre, mais aidez-moi à trouver du travail pour vivre. Ecrasez-moi de cette main, mais de l'autre main aidez-moi ; faites-moi redevenir employé de banque, que je puisse donner du pain aux miens. Brun, j'ai honte de faire intervenir l'amitié au milieu de tout ça. Vous savez mon idée quand j'ai signé ? Vous savez ce que j'avais vu moi, avec ma courte vue de poète qui ne voit pas plus loin que son nez ? J'avais vu ma vie paisible et assurée...
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