PROUST, Marcel.

Lot 1572
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PROUST, Marcel.
Lettre adressée à Henry Bernstein. [Vers 1904-1905]. Lettre autographe signée “Marcel Proust”, 3 pages in-12 sur papier de deuil. Très amusante lettre inédite de Marcel Proust à Henry Bernstein : le romancier remercie son correspondant, non sans ironiques reproches. Le romancier remercie Henry Bernstein, “ami infidèle mais fastueux”, et le félicite de sa lettre parue dans Le Figaro, tout en regrettant de ne pouvoir partager fleurs et fruits du Midi. Adressée à “Mon petit Bernstein”, la lettre débute par deux vers fameux de Paul Verlaine tirés de Green : Vous m'envoyez ‘des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches', et c'est ‘mon coeur qui ne bat que pour vous !' Qu'est-ce que veut dire never more, cochon ? (pas style épistolaire Picard). Je vous ai écrit à propos de votre admirable article, je vous ai envoyé la Bible d'Amiens, je vous ai fait téléphoner 900 fois pour vous voir. A tout cela vous n'avez répondu comme la divinité d'Alfred de Vigny que ‘par un froid silence'. Si je n'en avais été piqué je vous aurais récrit pour la lettre merveilleuse, éblouissante du Figaro. ‘Mr Donnay demande trois mois pour se faire une opinion sur le sujet qu'il traite.' Alors qu'est-ce que je dois faire de plus ? Mais je dois (tous ces reproches faits en réponse reconventionelle au classique ‘never more ?', au calomnieux never more des défenses habilement offensives), vous remercier avec frénésie, avec confusion de cet envoi royal qui serait acceptable si j'étais Combes [?] ou Me de Chevigné mais qui adressé à moi a quelque chose de tellement exorbitant que je ne sais que vous dire, sinon que je suis ravi, que c'est ravissant, que vous êtes un ami infidèle mais fastueux et que vous me rendez malade en m'évoquant avec trop de puissance, avec ces violettes de Nice et ces oranges des orangers, un paradis auquel je ne pourrai jamais être admis, car la fièvre des foins, la fièvre des fruits et des fleurs le changerait pour moi si j'y mettais le pied, en le plus cruel enfer. Mettez-moi aux pieds de Mademoiselle Lucy Gérard si elle est auprès de vous et croyez à la profonde et admirative amitié de votre Marcel Proust. L'article d'Henry Bernstein sur “Les religions au théâtre” parut dans Le Figaro. Il avait suscité des critiques et le dramaturge choisit de répondre à trois de leurs auteurs, en adressant du Cap-d'Ail, le 27 mars 1904, au directeur du quotidien une lettre très ironique. Sa réponse dans Le Figaro est à la date du 30 mars. Le premier auquel s'attaqua Bernstein fut Maurice Donnay, dont la pièce antisémite, Le Retour de Jérusalem, triomphait alors : il “demande quatre mois pour se faire un avis dans la question qu'il vient de traiter. Rien de plus naturel, et nous attendons avec patience que M. Donnay soit fixé.” A l'évidence, Proust a goûté la pique, la retournant habilement contre son correspondant. Lié avec Henry Bernstein (1876-1953) grâce à leur ami commun Antoine Bibesco, Marcel Proust soutint à plusieurs reprises le dramaturge, lui prêtant à l'occasion de l'argent pour régler ses dettes de jeu ou, en 1911, prenant sa défense à l'occasion d'une cabale de l'Action française : les Camelots du roi reprochaient à l'auteur, juif et ancien dreyfusard, d'avoir déserté en 1900 lors de son service militaire. “Henry Bernstein partageait avec Proust l'hypersensibilité au bruit : selon Anna de Noailles, c'est lui qui aurait le premier fait garnir de liège les murs de son appartement, et procuré à Proust en 1910 l'adresse d'un fournisseur pour sa chambre du boulevard Haussmann” (Nathalie Mauriac Dyer, Dictionnaire Marcel Proust, pp. 137-138). Les lettres de Proust au dramaturge sont rares : la correspondance établie par Kolb n'en reproduit que quatre.
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