François de CHATEAUBRIAND

Lettre autographe, Paris [début] décembre 1827, à la duchesse de Duras; 3 pages in-4. Belle lettre inédite sur la situation politique (après les élections législatives des 17 et 24 novembre, et la victoire des opposants à Villèle). «Cette nouvelle crise vous a donné un nouvel accès de tristesse. Je ne vous parle donc plus de revenir. Faites comme vous croirez le mieux pour vous. J'ai interrogé Valery sur votre demeure. Il prétend qu'on ne voit pas la mer de vos fenêtres. Mais comme il n'a pu me dire si on pouvoit se promener le long des flots à Nice et s'il y avoit une grève, je ne crois guères à ce qu'il a vu. Il est tout occupé d'écrire ce qu'il a lu; le reste il n'en sait rien. La Politique nous étouffe ici. Tous les matins on annonce le départ des ministres et tous les soirs on assure qu'ils restent. Ils seront certainement mis à la porte par les chambres et même par la chambre des pairs. S'ils étoient aussi touchés de la constance du Roi à les protéger qu'ils devroient l'être, ils n'exposeroient pas la couronne au choc inévitable de l'adresse et de l'accusation. Mais l'orgueil est toujours en raison de l'incapacité et de la foiblesse. J'aurois un beau sujet de triomphe, si je le voulois. M. de Villèle a cru m'écraser; il a voulu se séparer de moi et j'ai amassé sur sa tête le poids du mépris et de la haine publique. Il n'a pas voulu croire à la préséance de l'opinion dans un gouvernement représentatif: qu'il en juge maintenant. Au reste toute la France est devenue constitutionnelle et il n'y a pas jusqu'aux courtisans qui ne disent qu'on ne peut gouverner qu'avec la charte. S'ils s'étoient avisés de cela 10 ans plutôt, ils nous auroient épargné bien des peines. Soignez toujours mon jardin; loin de songer à le quitter, je le plante. Désormais mon parti est pris et je ne sortirai plus de mon hôpital»..