François de CHATEAUBRIAND

Lettre autographe signée «Ch», Rome 15 novembre 1828, à Clara de Duras, duchesse de Rauzan; 4 pages in-4. Très belle lettre inédite de son ambassade à Rome, à la fille de la duchesse de Duras (morte le 28 janvier). Le courage lui a toujours manqué de lui écrire plus tôt. «Que vous dirois-je de cette Italie, si fatale pour moi? Vous avez-vous-même pris en horreur son beau ciel. Mais, moi, j'ai quelque chose de plus à éprouver à Rome: je mesure mes années qui se sont écoulées, aux ruines que je vois autour de moi; je ne retrouve plus en moi ce qui me les fesoit aimer; elles ne me disent plus rien, sinon que je tombe comme elles. Vous ne sauriez croire l'ennui dont je suis dévoré: je n'ai à me plaindre de rien; j'ai été parfaitement reçu; j'ai trouvé un gouvernement très modéré et très raisonnable; mais cette vie de représentation, est au dessus de mes forces: quand j'ai passé le jour à errer au milieu des décombres, et le soir dans un bal, je rapporte chez moi une double tristesse et je suis prêt à envoyer ma démission à Paris. Cette position ne sauroit être de longue durée. J'y mettrai sans doute de la patience et de la mesure, mais je saisirai avec joie la première occasion de rentrer dans mon infirmerie; c'est là désormais que je dois vivre et mourir. Mille pardons de cette lettre lamentable: vous avez assez de vos chagrins, sans être obligée de supporter mes ennuis. Mais vous êtes toujours pour moi cette petite Clara que j'ai vue jouer dans son enfance, cette belle Clara, la compagne de notre voyage à Gand, la tendre et constante amie de sa mère: il m'est permis de vous être attaché et de vous le dire; c'est un tombeau qui m'en donne le droit, et vous ne contesterez pas cette autorité»... On joint un billet autographe à la duchesse de Rauzan, 23 janvier [1828], au sujet de l'annonce de la mort de Mmde de Duras: «Bien, je n'enverrai pas la note, mais la Quotidienne, et le Courier ont déjà parlé. Mille hommages» (1 page in-12, adresse)