L'Imaginaire de Dali

Salvador Dali (1904-1989)
L’atelier imaginaire, 1949.
Aquarelle et encre sur papier.
Signée et datée en bas à droite.
H_20,5 cm L_21 cm
60 000 / 80 000 €
Provenance : ancienne collection Perrot Moore ; vente Artcurial 1er juillet, 2003 ;acquis dans cette vente par l’actuel propriétaire ; collection privée​


 
De prime abord « L’atelier imaginaire » représente l’atelier de Dali réel au sens où nous retrouvons, son autoportrait : l’artiste et son chevalet, sa muse Gala et son chat Babou. Autour s’articule la part rêvée de l’artiste qui nourrie sa créativité.
Dans un second temps nous accédons à ce rêve par l’utilisation de symboles et de la géométrie.

Nous sommes ici, face à un dessin cosmogonique importante de l’oeuvre Dalinienne.
Les symboles forts de son oeuvre sont ici représentés et mis en puissance en résonnant au travers de la figure géométrique icosaèdre.
Parmi la série des figures platoniciennes, c’est celle qui possède le plus grand nombre de surfaces. A chaque sommet se rencontrent cinq triangles, ce qui fait apparaître une structure relativement ronde et fluide.
Platon la place pour cette raison sous le signe de l’élément de l’eau. La triple force originelle se trouve vingt fois renforcée ce qui fait naître une puissante activité spirituelle dans l’être ou le groupe qui s’y ouvre. L’eau symbolise la substance primordiale, en conséquence l’icosaèdre est considéré comme le symbole du principe féminin supérieur, la mère qui est la source de toute vie élevée.
Ici, le peintre et sa muse se retrouvent sous l’influence cosmique de ce solide platonicien. Le force spirituelle et imaginaire nourrissent l’esprit et la créativité.

La muse du peintre, représentée de dos est assise sur un dodécaèdre.
Il s’agit du symbole de la matière primordiale à partie de laquelle Dieu forma les éléments avec des nombres et des formes. Cette figure consiste en douze pentagones réguliers et approche de très près la forme sphérique. Le pentagone est le symbole de l’âme nouvelle. Les forces de l’Homme nouveau qui vit sont dodécuplées. La combinaison des douze pentagones, si elle est une manifestation de l’esprit divin et de l’âme nouvelle, peut engendrer des possibilités inimaginables.

Le Dodécaédre où l’on retrouve le nombre d’or c’est aussi le symbole de l’harmonie et de la beauté absolue. Il régit la création de l’univers et se retrouve partout où l’oeil se pose si nous y prêtons attention.
Création pure et vérité, une harmonie qui permet d’accéder à l’essence même des choses.
Gala en est la gardienne, car si elle repose sur un dodécaédre elle est la seule a être en couleur, couleur Or. Permettant ainsi d’accéder à la forme pure de l’Idée.

Outre la géométrie qui structure l’œuvre, d’une part par sa construction et d’autre part par les symboles mis en avant, nous retrouvons d’autres figures inhérentes à son travail.
Passionné de psychanalyse, Dali n’aura de cesse de transfigurer la dualité de la conscience et de l’inconscient qui nous constitue.

« Le surréalisme, comme les rêves, nous libère des conventions. Ce que Freud a expliqué avec des mots, le surréaliste le raconte avec des tableaux. »

La créativité doit se faire sans l’emprise du Moi afin de tendre vers une vérité et toucher le Ça profond de l’être. Le rêve permet une libération totale et engendre une oeuvre libérée et libératrice qui par le biais de la catharsis libre à la fois l’artiste et le spectateur. La libre association des images doit acheminer la pensée inconsciente vers la conscience.
En tant que spectateurs de ce tableau, nous voici involontairement devenus déchiffreurs de rêves.

« Il me paraît parfaitement diaphane, quand mes ennemis, mes amis, et le public en général prétendent ne pas comprendre la signification des images qui surgissent et que je transcris dans mes tableaux. Comment voulez-vous qu’ils les comprennent quand moi-même, qui suis celui qui les ’fait’, je ne les comprends pas non plus ? Le fait que moi-même, au moment de les peindre, je ne comprenne pas la signification de mes tableaux, ne veut pas dire que ces tableaux n’ont aucune signification : au contraire leur signification est tellement profonde, complexe, cohérente, involontaire, qu’elle échappe à la simple analyse de l’intuition logique. Pour réduire mes tableaux au langage courant, pour les expliquer, il est nécessaire de les soumettre à des analyses spéciales, et de préférence avec une rigueur scientifique, la plus ambitieusement objective possible. Toute explication surgit donc a posteriori, une fois le tableau existant déjà comme phénomène »
(La conquête de l’irrationnel, cité dans Ades, 2004, p. 559).

Parmi les objets hétéroclites qui restent des symboles récurrents dans son oeuvre nous retrouvons la béquille.
Elle peut constituer le seul appui d’une figure ou le support nécessaire d’une forme incapable de tenir debout toute seule. Dalí la découvre, enfant, dans le grenier de la maison paternelle. Il s’en empare et ne pourra jamais s’en séparer. Cet objet lui donnait une assurance et une arrogance dont il n’avait jamais encore été capable.
Dans Le Dictionnaire Abrégé du Surréalisme (1938), Dalí en donne la définition suivante : « Support en bois dérivant de la philosophie cartésienne. Généralement employé pour servir de soutien à la tendresse des structures molles. »
Elle est, ici, libérée de son sens d’objet au terme platonicien nous accédons à l’Idée même de la béquille qui soutient, à la fois l’artiste et sa conscience, et supporte l’inconscience trouble et perturbée.

Ce dessin, est à lui seul, représentatif de l’univers de l’artiste.
Nous accédons à une partie de son inconscient par la transfiguration d’une réalité rêvée et imaginée.
Nous décelons des parcelles intimes propres à l’artiste.
Cette oeuvre est construite avec la rigueur de la géométrie pour atteindre la vérité sur les choses, l’ordre du monde et la découverte du Ça qui par le rêve et l’imaginaire libère le Moi.
 
 
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