Happening soon : Bibliothèque du Docteur Poirier

LE GAI SAVOIR
 
Les Nietzschéens me pardonneront, j’espère, cet emprunt sans doute quelque peu détourné à l’œuvre de leur maître, mais, prise au sens littéral, nulle formule ne pourrait mieux évoquer la personnalité du Dr Jean-Pierre Poirier. Ceux qui l’ont connu garderont tous en mémoire son éternel et franc sourire, témoignage éclatant de son goût naturel pour la vie, pour lui indissociable du plaisir de découvrir d’apprendre, de comprendre. Si on ne lui donnait pas son âge, c’est qu’il avait trouvé depuis longtemps son élixir de jeunesse : la curiosité, la bonne, la saine, bien sûr, celle qui vous fait aller de l’avant, celle du scientifique, du savant comme on disait jadis.

La science, il y croyait, bien au-delà de ses périodiques remises en causes. Chercher à comprendre, pensait-il, est inhérent à la nature humaine, quels qu’en soient les dangers. Aussi s’y est-il appliqué toute sa vie. Ou plutôt toutes ses vies, car, au plan professionnel du moins, il en vécut trois. Dans la première il fut médecin, un peu par tradition familiale, gastroentérologue plus précisément, spécialiste de l’appareil digestif et de la nutrition. Mais - curiosité toujours - c’est dans la recherche, en l’occurrence en chimie et en biologie qu’il s’épanouira. Bientôt remarqué dans ce domaine, il saisit l’opportunité qui se présente d’entrer au service d’un grand laboratoire pharmaceutique français. Il en deviendra le directeur de recherche. Quand enfin sonnera l’heure de la retraite, plutôt que de s’en aller tailler ses rosiers, il décidera d’entamer une nouvelle vie de travail, se faisant historien des sciences. 

A cette date, l’étude du passé l’occupe depuis déjà longtemps. Qui veut apprendre, pense-t-il, se doit de connaître les mécanismes et les modes d’acquisition du savoir et pour cela doit se pencher vers l’histoire, s’en aller puiser aux sources et donc au livre, véhicule privilégié de la transmission des connaissances, au moins jusqu’au 19e siècle. Dès la fin des années 1960, il prend donc l’habitude, d’aller rendre visite, les samedi après-midi, à ses « amis libraires », joignant avec une délectation non dissimulée l’utile à l’agréable. Car si les livres restent avant tout pour lui un outil de connaissance, en esthète il en apprécie également l’élégance et le charme et ces critères, loin d’être négligeables à ses yeux, orientent ses choix. Il constitue ainsi peu à peu la magnifique bibliothèque dispersée aujourd’hui, qui, superbement installée dans son salon, faisait jusqu’à aujourd’hui l’admiration des visiteurs. 

C’est lors d’une de ces promenades bibliophiliques qu’un jour lui est présentée une pièce majeure.  Il s’agit d’un manuscrit provenant de la bibliothèque de Lavoisier et dont celui-ci est l’auteur, avec Condorcet : ce document, intitulé De la situation du Trésor public au 1er juin 1791, va lui ouvrir de considérables horizons. La figure de Lavoisier, l’homme de science, lui est évidemment bien connue, mais il découvre à cette occasion le financier, l’une des multiples facettes d’un personnage qui allait se révéler protéiforme. S’étant lancé dans l’étude du manuscrit, il se passionne tant et si bien pour son sujet qu’il décide d’en faire la matière d’une thèse. A soixante ans passés, le docteur en médecine devient docteur en sciences économiques. 


Ayant trouvé dans le célèbre fondateur de la chimie moderne - toutes proportions gardées - une sorte d’alter ego, il décide de s’en faire l’historien et publie en 1993 son Lavoisier. Ce premier essai biographique reste sans doute son plus remarquable car il met en lumière pour la première fois le rôle éminent de celui que Pasteur appelait « le législateur de la chimie » dans les affaires financières de la France, ainsi que son œuvre de précurseur de la pensée économique moderne, traits absents des biographies traditionnelles.

L’élan était donné et, au fil des années, bien d’autres publications suivront, consacrées à Marie-Anne Paulze (Madame Lavoisier), Marat, Turgot, Bernard Palissy, Ambroise Paré, Marie Curie, Catherine de Médicis etc., jusqu’à son chant du cygne, la Science en France, premier et remarquable dictionnaire biographique des scientifiques français de l’an mille à nos jours, écrit en collaboration avec son ami le professeur Christian Labrousse.

Plus que jamais peut-être, la bibliothèque qui nous est aujourd’hui proposée - dont un premier pan avait été dispersé en 2010, et dont un troisième suivra bientôt, consacré à l’économie politique - reflète à la perfection les goûts de son maître d’oeuvre : sciences par goût naturel, finances publiques par Lavoisier interposé, enfin, last but not least, relations de voyage, ces voyages dont il avait réuni, comme on va le voir en première partie de ce catalogue, un remarquable ensemble. Car Jean-Pierre Poirier fut grand voyageur devant l’Eternel, comme d’ailleurs beaucoup de scientifiques du passé : le goût d’apprendre, là encore, que ce soit dans les livres ou en courant – d’abord avec son épouse, malheureusement trop tôt disparue, plus tard avec de bons amis – en courant donc, toute sa vie, à l’heure des loisirs, aux quatre coins du monde pour en découvrir les richesses culturelles d’agréable manière. Un grand sourire aux lèvres.

Patrice Rossignol, expert pour la vente.
 

 


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Légende du visuel en haut de page : 
Christelle Téa
 Portrait du docteur Jean-Pierre Poirier, encre de chine et couleurs numériques, 2015



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