François de CHATEAUBRIAND

Lettre autographe, Genève 29 juin 1826, à la duchesse de Duras; 4 pages in-4. Belle lettre inédite sur son voyage à Genève pour voir une dernière fois Delphine de Custine, et sur la publication des AVENTURES DU DERNIER ABENCÉRAGE dans ses OEUVRES COMPLÈTES. Il est venu passer 24 heures à Genève «pour voir cette pauvre Mde de Custine qui me crève le coeur. À peine étions nous descendus à l'auberge que voilà le grand Valery qui arrive avec un billet de vous. [...] Cette pauvre grande Chatte [Mme de Bérenger]! Elle étoit bien méchante pour moi mais pourtant je la regrette. Notre petite société s'en va et nous aussi, mais j'en avois déjà vu une autre se dissoudre. Mde de Beaumont est partie la première et puis Fontanes et puis Joubert &c. Ne nous étonnons pas de ce qui est si naturel. Mais vous resterez longtemps après nous, pour notre mémoire»... Il parle ensuite de la publication de l'Abencérage, dont il se désole «du fond du coeur [...] C'est pour moi une sorte de sacrilège. D'autant plus que je crois qu'il y a dans cette petite nouvelle une sorte de fleur, et d'élégance qui ne sera pas sentie par l'esprit et la critique du temps. Ce qui devoit ramener la chevalerie parmi nous, la restauration, est précisément ce qui l'a détruite. D'une part un gouvernement libre nous a conduit à des idées positives qui nous éloignent du monde des chimères, et de l'autre de vieux hommes fatigués d'une longue révolution, qui ne veulent plus que mourir en paix dans les anti-chambres n'entendent plus rien à l'honneur d'Aben-Hamet. L'Abencerage auroit été mieux publié sous l'empire au milieu des grands combats de Buonaparte et des Romances de la reine Hortense. Il y a toujours des rapports entre une épée et une lance, entre des amours et des chants. Aujourd'hui nous nous battons à coups de poing, et nous ne nous plaisons qu'aux pont-neufs et aux calembourgs grivois d'Odry. Au reste c'est mon instinct qui me dit tout cela, car je ne sais pas un mot du succès de l'édition et n'entends parl