CHAR (René)

Réponse au questionnaire de Carrefour. Sans lieu ni date [automne 1948]. Manuscrit autographe signé: 1 page in-4. Émouvante réponse à l'enquête publiée par l'hebdomadaire Carrefour du 20 octobre au 23 novembre 1948: "Si l'armée rouge occupait la France que feriez-vous". René Char prend de la hauteur par rapport aux événements et aux forces en présence. Ami indéfectible d'Albert Camus, René Char ne se fait pas d'illusions sur la véritable nature de l'Union soviétique, contrairement à nombre d'intellectuels de son temps. Il évoque ici deux systèmes à ses yeux injustes, le communisme et le capitalisme, dont les travers respectifs justifient leur survie conjointe. Si la Russie commettait cette faute, il est certain que je la supporterais mal, solidaire en cela avec des millions de français non communistes, et communistes aussi, au coeur et à la raison desquels les faits parleraient plus éloquemment que les idées. Tout ce qui avilit l' homme l' isole du scrupule et du remords, le pousse à la simplification, donc à la barbarie: une occupation militaire étrangère, appuyé sur une police politique, l'impose et s'en nourrit. Je ne fais pas d'exception pour les Russes et leurs cadres marxistes. Ceci dit, l'improbité du capitalisme moderne, la bassesse politicienne, la lâcheté des privilégiés, le manque total d' humanisme des forts donnent au communisme devant l' histoire son apparence de légitimité et expliquent ses gains de base. À qui la faute? (...) Il va falloir retrouver le fil de sa mémoire; pour vivre, il va falloir redevenir humain. Ceux qui survivront au raz-de-marée gigantesque qui entraînera avec lui toutes les acquisitions du siècle vingtième, ses espérances et ses illusion, ses servitudes et sa monstruosité, ceux-là n'auront pour réchauffer leur coeur que la flamme d'une bougie, je veux dire le regard d'un de leurs semblables. Fondé à la Libération, l'hebdomadaire Carrefour se définissait comme "le lieu de rencontre des patriotes de bonne volonté", avec une préfér