François de CHATEAUBRIAND

2 Lettres autographes, [octobre 1819], à la duchesse de Duras; 4 pages in-8 (la dernière page salie, petits trous), et 2 pages petit in-8. Voyage en Normandie. Au Havre mardi soir 12 [octobre]. «Quel beau temps, quel beau pays! Cette France prospère, en dépit de tout ce qu'on fait. Mais croiriezvous que je suis ici depuis une heure sans avoir salué la mer? Je suis arrivé de nuit. J'enrage; j'entends le bruit de ma grande parente, et je ne puis la voir. Il se trouve que c'est aujourd'hui une foire de St Michel, qui met tout le Havre en l'air, et au lieu de matelots j'ai trouvé sur le rivage Bobèche, les figures de cire de Curtius, et une femme qui dansoit sur la tête. Savez-vous encore que c'est au Havre que j'ai débarqué en revenant d'Amérique avec Atala? Que de choses se sont passées depuis, toute la Révolution et ces lourdes années qui me sont tombées sur la tête!» Il écrira à «Lady Clara» (fille de la duchesse): «j'ai quelque chose à lui dire du roi d'Yvetot que j'ai vu en passant. Pour la politique, grâces à Dieu je n'en sais plus rien. Je n'ai parlé qu'à mes postillons pour leur dire d'avancer. Malheureusement j'ai été obligé de dire mon nom ici. J'espère que M. le sous-préfet aura eu soin de faire doubler les patrouilles». Le lendemain matin, il ajoute: «Je viens de me promener au bord de la mer. Je ne vous dirai pas les vilaines pensées qui me sont venues. J'ai eu envie de fuir au bout de la terre: le grand chemin ouvert m'a tenté. Qui me délivrera de la France de la politique, du bruit, des sots, des fripons, des Rois et des républiques. Et au bout de tout cela il faut rester. M. Pitt expirant s'écria: my poor country! et moi je dis aussi ma pauvre patrie! [...] Je vais à l'instant faire une promenade en mer. Je vais faire shake-hand avec my gran'mother». (CG III 1001) [Fervaques] Samedi 16 [octobre]. «Votre première lettre à Lisieux m'avoit charmé; la seconde m'a désolé. J'avois vû cette pauvre femme [mort de la comtesse d'Ennery, mère de la duchesse de Lév